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Entrevue littéraire : Vincent Demers, un écrivain à suivre

Vincent Demers : médecin et auteur

La petite rédac’ interroge les auteurs afin que vous puissiez mieux les connaître. Aujourd’hui, nous partirons à la rencontre de Vincent Demers, auteur d’un ouvrage intitulé Le Médecin aliéné

Qui est-il ? D’où vient-il ? Où puise-t-il son inspiration ?

Il a répondu à nos questions pour vous.

  • Présentez-vous en quelques lignes.

Je suis né à Québec, où je suis revenu m’installer après avoir habité longtemps à Blanc-Sablon, un village maritime isolé situé au bord du détroit de Belle Isle, à deux pas du Labrador, en face de Terre-Neuve. C’est là qu’est la source de mon écriture, avec les vagues ravageuses, la toundra « blizzardeuse », les icebergs écroulés, les avions qui n’ont pas décollé, les brouillards opaques et les étoiles figées comme des milliards de regards.

Avant de revenir dans ma ville natale, j’ai vagabondé dans tous les sens sur la planète. J’ai même habité brièvement (quelques mois) à Paris et à Toronto, pour m’échouer ensuite au centre-ville de Montréal, ma ville de cœur. Je suis médecin, professeur de clinique à l’Université Laval, diplômé d’un Executive MBA de McGill et HEC Montréal et d’un certificat en philosophie, mais je suis avant toute chose père de deux jeunes enfants.

  • Comment avez-vous débuté votre carrière dans l’écriture ?

Le mot « carrière » est trop grand pour moi en ce qui concerne l’écriture. Ma carrière est dans la médecine. Écrire a été d’abord une nécessité, une manière de libérer mon esprit dans une période d’ambivalence, de dépression et d’incertitude qui m’a conduit jusqu’à la psychose, cette solitude absolue où la réalité telle qu’on la pense se dissout soudainement.

C’était aussi une manière d’immortaliser des moments éphémères, des impressions, une tentative d’arrêter le temps. J’ai commencé par la poésie et j’ai fini en prose. J’ai utilisé mes écrits comme base de travail pour produire un roman, auquel j’ai ajouté de la fiction et beaucoup de liberté.

  • Vous avez récemment publié un livre pouvez-vous nous le présenter ?

Le livre s’intitule Le médecin aliéné. Ce roman sans frontières transporte le lecteur dans le « délire lucide » du médecin-narrateur dépressif et le monde absurde dans lequel il erre. La lecture de ce récit permet une expérience littéraire, celle de la perte de ses repères et du déséquilibre, comme le vit la personne en psychose. Empreint de poésie et d’allusions mythologiques, ce livre est aussi un remède contre le monde aliénant, contre le néant.

L’œuvre visite les thèmes de la folie et de la dépression, de la solitude et de l’errance, de l’amour et de la filiation, de la laideur et de la beauté, de la perte et de la mort, mais aussi de la vie qui naît ou qui renaît. Qu’un médecin subisse cette odyssée donne à l’histoire un contexte inhabituel, improbable, dérangeant, déroutant, mais rappelle que personne n’est à l’abri d’un trouble de la santé mentale et de la folie.

  • Qu’est-ce qui vous séduit dans le milieu littéraire ?

La diversité de la littérature, sa richesse, la possibilité d’accéder à la pensée d’auteurs de toutes les époques, de tous les pays, et grâce aux traductions, de toutes les langues. C’est également une manière de saisir l’histoire de l’humanité, l’évolution des sociétés, de la pensée et des mœurs. C’est un espace de liberté et d’imagination sans bornes qui permet de se réfugier du monde, de le recréer autrement ou simplement de se divertir durant tout sa vie.

  • Pouvez-vous décrire votre plume en 3 mots ?

Imagée. Audacieuse. Déroutante.

  • Quel auteur vous a le plus marqué ?

Franz Kafka.

  • Selon vous, quelles sont les grandes problématiques qui complexifient le métier d’écrivain au Canada ?

Peu d’auteurs vivent de leur plume au Canada, encore moins au Québec en raison de la faible taille du marché des lecteurs francophones et surtout des redevances anémiques que touchent les écrivains. Les éditeurs, les distributeurs et les libraires s’approprient la majeure partie des revenus du travail de l’auteur, qui ne récolte que des miettes. L’Union des écrivaines et des écrivains québécois dénonce les contrats abusifs que des maisons d’édition font signer aux auteurs. Grâce à un changement législatif récent, cette dernière pourra désormais agir comme un syndicat pour défendre les auteurs.

Pour les écrivains indépendants, c’est encore plus ardu, car la chaîne du livre est fermée hermétiquement pour protéger l’industrie. L’accès en librairie au Québec est exceptionnel pour quiconque n’est pas publié par une maison d’édition commerciale agréée et distribué ensuite par un distributeur agréé. La vente en ligne permet de passer par-dessus les chaînes pour rejoindre directement les lecteurs, qui sont au final les seuls juges de la qualité des œuvres. Enfin, il est généralement difficile pour les auteurs québécois de percer le marché en France, où la concurrence est immense.

  • Avez-vous des projets littéraires à venir ? Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Oui, j’ai commencé à écrire des dialogues qui mettent en interaction des personnages aux idées polarisées et radicales, comme on retrouve dans les réseaux sociaux, ce qui mène à des discussions stériles et absurdes, à des chambres d’écho. Les grands thèmes sociaux actuels — souvent issus des États-Unis — sont abordés. Entre ces personnages, la personne nuancée sera rejetée et accusée de part et d’autre d’être la source des problèmes.

Ce roman sera, en quelque sorte, une réflexion moderne sur le dialogue, le sophisme et la vérité, qui étaient si chers à Platon. L’équivalent de la « ciguë », qu’on a fait boire à Socrate après sa condamnation à mort, sera ici l’annulation sociale (cancel culture) du personnage nuancé. Le projet est à l’étape des idées, tout est possible, tout peut changer ou ne jamais voir le jour. Le meilleur pour moi, la partie ludique, c’est-à-dire l’écriture et le plongeon dans mon imagination, est à venir, pour peu que je me libère du temps dans mon horaire de médecin et en espérant ne pas trop sacrifier ma vie familiale.

•••

Si cette entrevue vous a plu, partagez-la et parlez de cette plume autour de vous.

Connaissez-vous Vincent Demers ? Que pensez-vous de son travail ? Dites-le nous en laissant un commentaire.

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