Comment rester attentif en classe ? | Vous êtes en cours depuis quinze minutes. Malgré vos efforts, votre esprit vagabonde. Vous pensez à votre prochain repas, au message reçu ce matin, à cette série que vous avez commencée hier soir.
Rassurez-vous ! Ce décrochage n’est pas une fatalité, mais le résultat de mécanismes cérébraux bien précis que les neurosciences permettent aujourd’hui de comprendre et de contourner.
L’attention, un processus de tri naturel mais limité
Notre cerveau effectue constamment un tri d’informations face au flot constant de stimuli qui nous entourent. Ce processus de sélection, que les scientifiques appellent l’attention, est essentiel mais limité dans sa capacité. Contrairement aux idées reçues, l’attention n’est pas un réservoir illimité dans lequel nous pourrions puiser à volonté.
L’attention agit comme un filtre dans notre cerveau, permettant de se concentrer sur les informations pertinentes tout en écartant les distractions. Ce mécanisme est ce que Jean-Philippe Lachaux, neurobiologiste et directeur de recherche au CNRS, étudie depuis des années dans le cadre du programme ATOLE (ATtentif à l’écOLE).
Le mythe des 10-15 minutes démystifié
Bien que largement répandue, l’idée selon laquelle l’attention ne dure que 10 à 15 minutes repose sur une interprétation erronée des données scientifiques. Cette limite provient d’études sur la prise de notes et la mémorisation, non sur la durée réelle de l’attention.
Des recherches ont montré que les différences d’attention entre étudiants sont davantage liées aux styles d’enseignement qu’aux capacités individuelles des apprenants à rester attentifs. La qualité pédagogique et l’engagement de l’enseignant jouent donc un rôle déterminant dans le maintien de l’attention.
Le smartphone : l’ennemi invisible de la concentration
La menace la plus insidieuse pour notre attention en salle de classe n’est autre que le smartphone. Selon le professeur Klaus Zierer, spécialiste des sciences de l’éducation à l’Université d’Augsbourg, plus on garde son smartphone à portée de main, plus la capacité d’attention et les performances d’apprentissage sont faibles, un fait sur lequel le monde scientifique n’a plus aucun doute.
Plus alarmant encore : Une recherche menée par l’Université de Londres a révélé que le simple fait d’avoir un smartphone visible sur une table réduit les capacités cognitives, même s’il n’est pas utilisé.
Une équipe de chercheurs de l’Université de Virginie a suivi 221 étudiants alternant une semaine avec et sans smartphone. Durant la semaine avec téléphone, les symptômes classiques du trouble de l’attention (inattention, difficulté de concentration, distractibilité) ont augmenté et la productivité a baissé, tandis qu’ils ont régressé durant la semaine sans appareil.
Les pauses : la clé d’une attention restaurée
Une étude menée auprès de 72 étudiants universitaires australiens a démontré qu’une simple pause non structurée de 5 minutes, en plein milieu d’une tâche complexe, permet de retrouver de meilleures concentration et attention. Le Dr Paul Ginns, professeur associé en psychologie de l’éducation à l’Université de Sydney, affirme que pour être plus productif dans son travail ou ses études, il faut inclure de simples pauses de cinq minutes où l’on ne fait rien.
Pour obtenir un rendement optimum tout au long de la journée, il est préférable de faire 10 minutes de pause pour une heure de travail et d’attention soutenue, bien que les périodes où la concentration reste efficace varient en fonction de la complexité de la tâche et de l’état de fatigue.
Les quatre piliers de l’apprentissage selon les neurosciences
Stanislas Dehaene, psychologue et neuroscientifique français pionnier dans l’étude des mécanismes d’apprentissage, a identifié quatre piliers essentiels pour un apprentissage efficace :
1. L’attention
L’attention doit être directement dirigée vers le concept à transmettre pour qu’il puisse être réellement assimilé. Toute attention multidirectionnelle se fait au détriment de l’apprentissage.
2. L’engagement actif
Simplement écouter passivement ne suffit pas. Le cerveau doit être activement impliqué dans le processus d’apprentissage par des questions, des exercices ou des discussions.
3. Le retour sur erreur
Se tromper fait partie intégrante de l’apprentissage, car notre cerveau ajuste ses modèles en découvrant les écarts entre ses hypothèses et la réalité.
4. La consolidation
Le cerveau connaît une activité extrêmement intense pendant le sommeil, qui est essentiel pour l’algorithme d’apprentissage et la consolidation des connaissances.
Solutions pratiques pour rester concentré en cours
Gérer son environnement numérique :
- Éteindre complètement son smartphone ou le placer hors de vue dans son sac
- Désactiver toutes les notifications avant le début du cours
- Le simple fait que le téléphone soit proche de l’élève en classe affecte sa mémoire de travail et son apprentissage, même s’il est éteint et tourné face contre le bureau
Structurer son temps d’étude :
- Alterner des périodes de concentration de 45 à 50 minutes avec des pauses de 5 à 10 minutes
- Privilégier les heures de meilleure vigilance : le matin entre 9h et 11h30, et l’après-midi entre 15h et 17h
- Varier les types d’activités pour maintenir l’engagement du cerveau
Optimiser la prise de notes : La lecture à l’écran entraîne une baisse de la compréhension d’un texte comparativement à celle du même document sur papier. Le cerveau utilise une stratégie superficielle lors de la lecture numérique, lisant en diagonale et sautant de mot-clé en mot-clé. Privilégier donc le papier pour une meilleure mémorisation. Voici 5 méthodes à connaître.
Entraîner sa concentration : L’attention et la concentration se développent et demandent un certain travail régulier et réclament une certaine discipline. Comme un muscle, la capacité de concentration peut s’améliorer avec un entraînement progressif et régulier.
Le rôle crucial de l’enseignant
La durée de l’attention provient moins de la pédagogie choisie (classe inversée, cours magistral, etc.) que de la qualité de l’enseignant lui-même. Un enseignant qui capte l’attention par des supports visuels clairs, des exemples concrets, des pauses stratégiques et une variation des méthodes pédagogiques peut maintenir l’engagement des élèves bien au-delà des supposées limites physiologiques.
Conclusion : reprendre le contrôle de son attention
Le décrochage en cours n’est pas une fatalité générationnelle, mais le résultat d’une surcharge informationnelle et d’un environnement saturé de distractions numériques. Les neurosciences nous offrent aujourd’hui les clés pour comprendre et optimiser nos capacités attentionnelles.
La solution ne réside pas dans un rejet total de la technologie, mais dans une utilisation consciente et maîtrisée de nos outils numériques, couplée à une meilleure compréhension du fonctionnement de notre cerveau.
L’attention n’est pas un don inné mais une compétence qui se cultive. Et cette prise de conscience constitue déjà le premier pas vers une meilleure gestion de nos ressources cognitives.
